Archives mensuelles pour mai 2006

Le voyage d’Urien – présentation

Nocturne au musée et dans les jardins du Prieuré
21h00
“Sans titre”
, extrait du Recueil des petites heures d’Alain Enjary. Deux personnages en quête d’identité s’interrogent sur la servitude engendrée par la création artistique. Comment sortir de son rôle quand même la question d’en sortir fait partie du rôle ? Comment sortir de ce qui est écrit ? Et de ce qui s’écrit ?
21h45
“Maurice Denis, mémoire intime”
, la comédienne Arlette Bonnard entraînera les visiteurs dans les salles du musée et les conviera à un voyage dans l’oeuvre de Maurice Denis à travers la lecture d’extraits de son “Journal”. Conçu et réalisé par Arlette Bonnard et Gloria Magar.
2
2h30 “Le voyage d’Urien”
, texte d’André Gide illustré par Maurice Denis. Adaptation Alain Enjary. De “l’Océan Pathétique” à la “Mer Glaciale”, une odyssée poétique interprétée en plein air, dans le théâtre de Verdure du parc du musée, par Alain Enjary, avec projection des gravures de Maurice Denis.

LE VOYAGE D’URIEN d’après André Gide et Maurice Denis. Mise en scène Arlette Bonnard. Production AMBRE et Musée du Prieuré de Saint-Germain-en-Laye. Créé le 20 mai 2006. Avec Alain Enjary.

L’ouvrage qui se trouve exceptionnellement mis à l’honneur cette année à l’occasion de la Nuit des Musées, est une oeuvre surprenante, à la fois littéraire et picturale, dans laquelle le texte et les images accompagnent le lecteur tout au long d’un extraordinaire voyage mental. Publié en 1893 à la Librairie de l’Art Indépendant, cette oeuvre résulte de la collaboration inattendue et réussie entre André Gide et Maurice Denis. (…) L’oeuvre “illustre” à merveille ces moments de grâce de l’époque symboliste au cours desquels peintres, écrivains, poètes, musiciens, acteurs… partagèrent cette “exaltation intellectuelle et nerveuse”, cette “vibration puissante de tout l’être, convertible, comme à volonté, en allégresse ou en tristesse”. (…) Même si l’imaginaire des deux auteurs ne se confond pas totalement — et pourrait-il en être ainsi sans qu’ils abdiquent chacun de leur liberté? — l’univers onirique de l’écrivain trouve un “équivalent” dans l’expression symboliste et pure de Denis. Tout en conservant son propre registre d’expression, l’artiste sait donner quelques images complexes, rares dans son oeuvre, pour l’accompagnement des descriptions les plus denses. Ailleurs, là où le texte se prête  à l’expression du rêve, Denis suggère et ne décrit pas. Chacune de ses illustrations, qui mériterait une véritable étude, impossible ici, tresse, avec les vides de la page et les pleins du texte, une composition nouvelle. C’est cela qui rend la lecture de l’ouvrage original unique et qui constitue l’oeuvre en elle-même. Une oeuvre qui n’est plus ni simplement le texte, ni simplement les images, mais un ensemble différent, un “voyage” que Gide et Denis ont vraiment “fait ensemble” et dont, avec Arlette Bonnard et Alain Enjary, nous tenterons d’évoquer la poésie propre. Agnès Delannoy, conservateur.


“Quand l’amère nuit de pensée, d’étude et de théologique extase fut finie, mon âme qui depuis le soir brûlait solitaire et fidèle, sentant enfin venir l’aurore, s’éveilla distraite et lassée. Sans que je m’en fusse aperçu, ma lampe s’était éteinte ; devant l’aube s’était ouverte ma croisée. Je mouillai mon front à la rosée des vitres, et repoussant dans le passé ma rêverie consumée, les yeux dirigés vers l’aurore, je m’aventurai dans le val étroit des métempsychoses.”


… “La ville, où nous devions nous embarquer au soir, éclatait de soleil, de clameurs et de fêtes, sous la blanche ferveur de midi. Le marbre des quais brûlait les sandales ; la fête était bariolée. — Deux navires étaient arrivés de la veille, l’un de Norvège, l’autre des merveilleuses Antilles ; et la foule courait pour en voir arriver un troisième, majestueux, entrant au port. Celui-ci venait de Syrie, chargé d’esclaves, de pourpre en balles et de pépites.”


… “Morgain a la fièvre. Il nous a demandé pour mettre sur son front, de la neige éternelle. — Nous avons relâché devant une île où se dressait une montagne très élevée. Nous sommes descendus ; Nathanaël, Ydier, Alain, Axel et moi, nous avons marché vers les neiges.”…


… “C’était le soir du dernier jour, le soleil de toute une saison avait disparu dans les terres ; des rayons réfractés nous en venaient encore. Mais déjà les grands froids commençaient, la mer autour de nous regelée avait emprisonné le navire, nous résolûmes de le quitter.”…

Extraits du texte d’André Gide, illustrations de Maurice Denis