Archives pour la catégorie «Tristan et Iseult»

Tristan et Iseult – présentation

TRISTAN ET ISEULT, d’après la tradition et les poèmes du XII ème siècle. Texte Alain Enjary. Mise en scène Arlette Bonnard. Scénographie Jean-michel Quesne. Epées et masques Henri Presset. Musique Christian Maire. Lumières Marc Chartier. Production Centre Dramatique de Nanterre. Créé le 7 Février 1978. Maison de la Culture de Nanterre. Reprise 1979, Théâtre de la Cité Internationale, Paris. Tournée en France, Belgique, Suisse, Afrique. Avec Arlette Bonnard, Françoise Danell, Agnès Delume, Alain Enjary, Colin Harris, Marc Bonseignour, Michel Hermon, Christian Maire.


Le lieu principal de « Tristan et Iseult », c’est la Cornouaille. Ce n’est pas un pays sauvage. C’est une petite péninsule. Les landes et les forêts désertes n’y sont pas très vastes, le climat pas très rude. Il y a de petites collines toutes vertes, de petites routes encaissées, des champs, des jardins proprets, des haies, des villages avec des maisons colorées, sorties des livres d’images, des églises miniatures, des maisons de poupées serrées les unes contre les autres. Les hommes habitent bien ce paysage plus qu’humain et jusqu’à son extrémité. L’extrémité !…
L’extrémité toujours tout près. Jamais guère plus de vingt kilomètres.
L’extrémité abrupte, déchiquetée, les falaises vertigineuses, bouleversées, écroulées, la déchirure brutale de la terre ; et quand il y a une petite plage, dans une crique, comme un refuge ou un petit port de bande dessinée, la question n’en est pas moins là, comme partout autour, présente, battante, mouvante, profonde : taché au loin par plaques de soleil, l’océan… L’infini, le vide, la question, là où cesse la terre ferme, la Question…

« Tristan et Iseult » n’est pas une histoire pleine de bruit et de fureur. Elle nous est parvenue (en fragments) dans le langage joli, tout frais, tout neuf, du XIIe siècle, sur le rythme allègre, coloré de l’octosyllabe, un, deux, trois, quatre, un, deux, trois, quatre, illustrée de miniatures délicates, petits bateaux sur des petits flots, petits châteaux, petits dragons, dames et chevaliers dans des postures raffinées de l’amour ou  de la guerre. Mais faites trois pas dans la légende, vous voilà aux extrémités, les mêmes, abruptes, vertigineuses. Le vide, l’absolu, l’océan profond, le destin, la question, l’amour fou, l’amour, la mort, la Question…
Tout de suite, nous nous trouvons au bord de nos propres actes. Les terres cultivées s’arrêtent brutalement, la déchirure. Il y a nos villages pour nous tenir chaud, il y a nos réponses, toutes nos idées confortables, pour vivre mieux, il y a nos explorations, pour mieux connaître, pour nous rassurer. Mais toutes nos découvertes sont bordées de falaises…

Avec « Tristan et Iseult », nous affrontons le Mythe, ensemble, acteurs et spectateurs, serrés, petits, fraternels, pour se tenir chaud face au grand large, face au grand vent. Ensemble, coude à coude, nous réinventons ces émissaires, ces explorateurs, ces délégués, Tristan, Iseult. Ils ne sont pas des héros inégalables, écrasants. Ils sont une part de nous-mêmes, nous les suscitons, nous les ressuscitons. Nous les accompagnons jusqu’à la plage chaque fois qu’ils s’embarquent, jusqu’à l’orée de la forêt quand ils se font sauvages, jusqu’au bord du précipice chaque fois qu’ils sautent dans le vide, jusqu’aux seuils qu’il nous faut tous franchir tout seul. »

Alain Enjary


Tristan et Iseult – photos

photos Marie-France Arcelin

Tristan et Iseult – extraits de presse

Tristan et Iseult, au Théâtre des Amandiers de Nanterre : un beau travail de recherche et d’adaptation d’après la tradition et les poèmes du XIIe siècle. Un spectacle d’une étonnante jeunesse, où jaillit la vie.
(…) Vérification faite, aux meilleures sources, l’adaptateur, Alain Enjary (qui est aussi Tristan sur la scène du Théâtre des Amandiers), a été fidèle : et ce sont bien ces amants de chair et de sang que nous ont légués les traditions orales et écrites du Moyen Age. Et quel plaisir de les découvrir, dépoussiérées, bien vivantes et ardentes, débordantes d’émotions, de pleurs, de rires et de colères.
(…) L’ensemble du spectacle est cohérent, agréable, vivant. (…) Avec des moments forts, qui donnent bien du charme à ces retrouvailles avec l’un des plus vieux et des plus beaux mythes de notre patrimoine culturel. Bernard Langlois, LE MATIN DE PARIS

S’il était encore permis de dire populaire un grand spectacle de deux heures et demie qui ne fait pas mal au cul parce qu’il vous occupe et les yeux et la tête et le cœur, un spectacle qui raconte sans complexes la belle histoire d’un amour fou où chacun trouvera à glaner quelque graine de sagesse ou de déraison, un spectacle accrocheur sans être racoleur, plaisant mais non complaisant, je dirais populaire ce « Tristan et Iseult » écrit par Alain Enjary et mis en scène par Arlette Bonnard. (…)
Tous les tiroirs de la légende sont ici ouverts, les broderies successives déballées et cousues bord à bord sur la trame d’un récit picaresque qui pourrait ne jamais prendre fin (…)
Ces gens-là doivent être bougrement rusés pour ainsi jouer de leur naïveté et de la nôtre. On nous roule dans la farine, et nous voici contraints d’accepter malgré l’inacceptable, je veux dire la fraîcheur, la bonne humeur et la bonne santé, la vie chair et terre, le plaisir et la douleur d’un immense désir de bonheur. Jacques Poulet, L’HUMANITÉ.

Une aire de sable blond, blond pâle comme les cheveux d’Iseult. Une aire de jeu, large ouverte sur l’aventure, la vraie : celle de l’amour et de la mort. Une grande aire vide à peupler de nos rêves.
Et nous comprenons soudain ce qu’est un « mythe » : pas une histoire d’autrefois arrivée à des gens d’autrefois : mais notre histoire à chacun d’entre nous, vécue, depuis le fond des âges, au plus profond de nous-mêmes.
Alain Enjary, qui joue Tristan, a écrit un texte tout simple qui restitue dans une langue accessible à nos oreilles modernes le langage « joli, tout frais, tout neuf, du XIIe siècle ». Mais ce texte tout simple est étrangement riche. Comme la mise en scène d’Arlette Bonnard, dont l’extrême simplicité relève du grand art.
(…) Un spectacle qui ravira aussi bien les cœurs naïfs que les intellectuels torturés. Six comédiens se partagent tous les rôles. Ils jouent l’une des plus belles histoires du monde et, pour une fois, l’imperceptible distance qu’ils prennent avec elle ne nous en éloigne pas : elle nous permet, au contraire, d’entrer nous aussi dans le jeu. (…) Claude-Marie Trémois,TELERAMA.

(…) Ce serait grande injustice si le texte d’Alain Enjary ne devenait pas le texte par excellence de ce vieux conte d’amour et de mort. Le compliment n’est pas mince. Nous en avons conscience. Certes, Enjary a puisé dans la tradition, notamment dans les quelque quatre mille quatre cents vers de Béroul, mais ce n’est jamais œuvre servile. Alain Enjary nous offre une écriture à la fois riche, dense, primesautière, truculente, familière, poétique, toujours harmonieuse. Par moments, on pense à Shakespeare. Mais oui! Au Shakespeare de « Roméo et Juliette », bien sûr, mais aussi à celui du « Songe d’une nuit d’été ». Du très beau travail !
La mise en scène alerte et originale d’Arlette Bonnard, la musique de Christian Maire, les décors et les costumes de Jean-Michel Quesne : encore du très beau travail ! L’interprétation est à la hauteur du texte. Ce qui est peu dire. (…) Pierre Pascaud, LE PARISIEN LIBERE.

Pour la bonne bouche, le Tristan et Iseult monté par Arlette Bonnard… À peine l’invite nous est-elle adressée que le charme agit. Les six acteurs se multiplient dans plusieurs personnages. Leur chant et leurs gestes sont purs et stylisés comme les sculptures des chapiteaux romans. Un pianiste fabrique une superbe musique descriptive, en triturant ses cordes de toutes les façons. L’adaptation d’Alain Enjary, lequel incarne aussi Tristan, est simple, dense et bien timbrée.
(…) Que d’ingéniosité, de modestie et d’intensité dans ce beau travail de mise en scène, et d’interprétation, qui non seulement nous confirme le talent d’Arlette Bonnard, mais nous révèle aussi celui de deux acteurs accomplis, d’une expressivité subtile et sans fioritures : Colin Harris et Agnès Delume. Daniel Jeannet, LE JOURNAL DE GENÈVE.

(…) C’est d’abord à ces enluminures que fait penser le spectacle réalisé par le Centre Dramatique de Nanterre. Non pas seulement par la forme, mais par l’esprit : netteté du trait où l’essentiel est immédiatement choisi, clarté des couleurs, élan des mouvements où l’on devine le sens immédiat des gestes. (…)
Le choix des textes n’oublie pas l’humour, dans de cocasses ruptures de ton. (…) Aurait-on préféré un respect paralysant qui se voudrait poétique? Les dialogues m’ont fait parfois penser au « réalisme poétique » des films de Carné et Prévert, justement.
Une légère mise en forme, le ton Arlette Bonnard, peut-être. Tous les acteurs sont très bien, très naïfs et très subtils, tout près de nous. (…) Christiane Perros, TRIBUNE DE GENÈVE.

A partir des nombreuses versions de la légende de Tristan et Iseult, Arlette Bonnard et Alain Enjary, aux côtés de cinq comédiens du Centre Dramatique de Nanterre, ont imaginé trois heures de spectacle sans entracte, retrouvant dans une unité de ton et d’esprit, la voie et les voix des récits des conteurs d’autrefois. (…) Des moyens d’une extrême simplicité : un immense plateau nu, délimité par des bandes bleues de tissu figurant notamment l’épaisseur de la forêt, quelques accessoires, au nombre desquels un « piano électrique » qui vient ponctuer ou rythmer l’action, voilà qui suffit à créer une suite d’images d’Épinal, naïves comme les cartes d’un jeu au demeurant très rusé.
(…) Le spectateur est convié, mieux qu’à suivre l’aventure, à l’accompagner, donc à la vivre. Catherine Unger. LA SUISSE.

(…) L’adaptation scénique est des plus adroite. Une ambiance de laquelle on ne parvient pas à s’arracher, et dans cette ambiance évoluent des personnages qui ne sont pas ceux d’une légende, aussi belle fut-elle, mais qui prennent une dimension humaine exceptionnelle. (…) M.E.T.  LE PROGRÈS.