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Nord-Est – présentation

NORD-EST, d’Alain Enjary. Mise en scène et scénographie Arlette Bonnard. Lumières Christian Coqblin et Jean-Pierre Rouvellat. Production AMBRE. Créé le 28 Avril 1988. Centre Culturel de La Courneuve. Nouveau Théâtre de Besançon. Avec Arlette Bonnard, Alain Enjary.
Reprise, dans une nouvelle scénographie d’Arlette Bonnard, au Théâtre du Renard,  à Paris, le 5 Janvier 1996. Lumières Eric Fassa, collaboration artistique Martine Froment. Production AMBRE, Aide à la Création de la Ville de Paris. Avec Arlette Bonnard, Alain Enjary.

« Nord-Est » est un conte, avec les moyens du théâtre (parce que, du début à la fin, c’est une pièce de théâtre, ni tragédie, ni comédie, ni drame, ni réaliste, psychologique, lyrique, non, mais un conte), et avec les moyens du bord ! Ceux qui restent quand on a vieilli, et le Monde aussi, quand on navigue déjà depuis pas mal de temps, qu’on ne peut plus raisonnablement, c’est le cas de le dire, parler de toutes les merveilles du temps où l’on était petit, au seuil du « Vaste Monde », qui, lui, par contre a rétréci. Rétréci n’est pas le mot, on l’a rempli plutôt, mis notre empreinte un peu partout, nos pieds, nos mains, notre nez, nos idées, nos antennes, nos ondes, et nos déchets ; il n’y a plus beaucoup de Monde ; pour un peu il n’y aurait que nous.
Or, pas de conte sans voyage, dans « Nord-Est » on voyage donc, en tout cas les deux personnages, une femme et un homme, ni jeunes gens, ni vieux sages — comme quand « il était une fois » — entre deux âges… Ils traversent le monde qu’il reste, monde humain, trop humain, peut-être, dans la direction du Nord-Est.
Que peuvent-ils bien aller chercher ? Sans doute pas l’oiseau d’or, ni le bleu, ni un trésor, pas la fontaine de jouvence, ni prince ensorcelé, ni princesse lointaine, gardée par un dragon… Qui rencontrent-ils donc ? Certainement pas des nains, ni un géant sans cœur, ni un poisson qui parle, ni la reine des grenouilles, ni une fée, pas même des humains très bien différenciés, cordonnier, laboureur, bergère, pêcheur, poète, menuisier, forgeron, sorcière, curé, car l’empreinte de l’homme, mise aussi sur les hommes, ils se ressemblent presque tous.
Mais comment se déplacent-ils. Que font-ils ? Où vont-ils ? — On ne va pas tout vous dire ! « Est-ce que ça finit bien ? » — Il n’y a guère de contes, qui ne finissent pas bien. « Mais s’il reste si peu de chose, qu’en est-il de l’espoir ? » — Tant qu’il y a de le vie, vous savez ce qu’on dit ! « Est-ce qu’on rira ? » — Peut-être. « Sourira ? » — Certainement. « Genre ricanement ? » — Dans un conte, jamais de la vie ! « Qu’est-ce qu’un conte, d’abord ? » — Un conte, c’est quand ce qu’il était, ce qu’il est, ce qu’il sera une fois, même pas grand chose, même ordinaire, presque rien, ce qui reste, la vie, est baigné de mystère, quand le Monde, si lourd et si usé soit-il, est de nouveau neuf et léger…

Alain Enjary

Photo Ueli Tecklenburg

Nord-Est – photos

Photos Julien Chamoux et Jean-François Schiano

Nord-Est – extraits de presse

Besançon est une bien jolie ville. Même s’il n’en était rien, il ne faudrait pas hésiter à s’y rendre pour profiter du plus fin des spectacles. « Nord-Est » — créé à La Courneuve, l’an dernier, mais qui l’a vu ? — est le dernier volet (après « Lila » et « Le château dans les entrepôts ») du triptyque qu’Alain Enjary a consacré à la quête. Quelle quête ? Celle qui nous pousse à marcher « quand il n’y a plus de mots pour dire ce que l’on cherche ».
Il y a du « Stalker » dans « Nord-Est », un « Stalker » revu par Devos…
Dans un décor comme on les aime, où il suffit de quelques pans de toile blanche tombant des cintres comme des voiles de bateau pour laisser libre cours à notre imagination, Arlette Bonnard et Alain Enjary jouent eux-mêmes, magnifiquement, cette pièce ténue, aux mots simples, qui, à force de tendre vers le presque rien, finit par nous faire entrevoir le presque tout. Claude-Marie Trémois, TELERAMA.

Ni Beckett ni Ionesco, ni Prévert mais un peu de tous ceux-là, ce dialogue est un parcours, une quête d’autre chose. Un jeu d’aimants et d’amants qui se cherchent, se dérobent, se confrontent dans une sorte de labyrinthe. Une écriture insolite suspendue aux mots construit cette nébuleuse où il faut se laisser porter. La sobriété des deux comédiens est tout au service de cet objet théâtral non identifiable. Intéressant. Agnès  Dalbard, LE PARISIEN.

Les spectacles d’Alain Enjary et d’Arlette Bonnard se distinguent toujours par leur profondeur et la portée puissamment philosophique qui s’en dégage avec une apparente simplicité. « Nord-Est » n’échappe pas à la règle. Comme toutes les œuvres d’Alain Enjary, auteur inspiré, « Nord-Est » est un voyage initiatique, une progression à la fois intime et universelle vers la vérité de soi.(…)
On ne peut pas raconter « Nord-Est » sans en trahir la force fragile et ténue, le sens à la fois simple et ésotérique. Quand on a vu une fois une pièce d’Enjary et de Bonnard on ne peut l’oublier tant chacune d’elles marque profondément l’esprit de ceux qui cherchent au théâtre autre chose que du sensationnel et du soi-disant audacieux. L’audace du tandem Bonnard-Enjary pourrait bien quant à elle ressembler à du courage et cela devient de nos jours de plus en plus rare. Frédérique Maupu-Flament, LE QUOTIDIEN DE PARIS.

Ils sont deux, un homme, une femme, dont on ne sait rien, ou si peu. Les voilà ensemble, partis incognito à l’aventure d’un ailleurs, fantasme ou souvenir, d’une issue. Quitter la ville, sortir du monstre urbain comme Jonas de la baleine. Mais comment faire, comment se diriger dans un univers tramé, parcellaire, quand les lignes aboutissent à des culs-de-sac et que les plans, périmés, ne coïncident plus ?
Alain Enjary a écrit une parabole dramatique, implacable de cohérence logique, avec légèreté, humour, et un énorme soupçon de très pudique tendresse.
Quand la qualité de l’écriture est rejointe par celle de la mise en scène d’Arlette Bonnard et celle de l’interprétation, on s’étonne encore de la particulière émotion, de la fragilité de ce fil tendu, ténu, sur lequel marche le spectateur d’un bout à l’autre de la pièce ; pourtant c’est simplement la grâce, la grâce du théâtre, quand il sait, trop rarement, conjuguer l’intelligence et la sensibilité. André Malamut, RADIO MÉDITERRANÉE.

(…) Une chose surtout m’a frappé : le dépaysement total que j’ai eu en venant voir ce spectacle, à tout point de vue. D’abord à cause de cet univers dans lequel on se retrouve — où vont-ils, où veulent-ils nous emmener ? Et puis il y a le rythme du spectacle, très important, qui permet un dépaysement, un rythme — le mot lent me vient — mais ce n’est pas ça, ce n’est pas lent, c’est différent, c’est quasiment intemporel. On a une respiration différente, ou un regard différent. RADIO LIBERTAIRE.

Nous nous laissons entraîner dans ce périple, comme si ces deux partenaires nous prenaient par la main… Avec eux nous nous perdons dans les dédales d’un itinéraire singulier. (…) Ces deux acteurs nous captivent dans leur quête de cet ailleurs. Elle (Arlette Bonnard) par sa présence, sa grâce, sa disponibilité et sa ténacité, subjugue. Lui, (Alain Enjary, l’auteur) étonne par son obstination, révélée tant dans son discours que dans son jeu.
Quelle écriture ! Dommage que le texte ne soit pas publié. Chaque mot compte et possède son propre poids, nous emportant. Jusqu’où ? Jusqu’à la fin… Or la fin correspond au début d’autre chose, dit l’auteur… (…) Monica Wahl, LE JOURNAL DE NERVURE.

NORD-EST : CONTE FANTASTIQUE. Alain Enjary a écrit, Arlette Bonnard a mis en scène, ils interprètent « Nord-Est ». Après « Lila », sorte de conte initiatique et « Le château dans les entrepôts », sorte de conte philosophique, le triptyque se complète d’une sorte de conte fantastique mais tout aussi initiatique et philosophique que les deux premiers réunis (heureux aventuriers qui ont vu la trilogie non-stop, samedi dernier!).
Savoureux poète, Alain Enjary dit des choses importantes sans en avoir l’air. Metteur en scène délicat, Arlette Bonnard nous prend par la main et nous emmène dans un monde étrange où la folie est faite de riens ordinaires.
Ils ont décidé de fuir ce monde où on voulait tellement leur bonheur qu’on les privait de liberté. Par le Nord-Est? Pourquoi pas? De toute façon, dans n’importe quelle autre direction, c’était aussi compliqué. (…) Heureusement, il y a l’humour, qui aide à vivre les mauvais moments et l’optimisme qui place toujours l’espoir au détour du chemin. C’est ainsi qu’à la fin… Non. Allez plutôt voir vous-même. Il est recommandé d’avoir l’âme d’un poète. Jean-Pierre Govignaux, L’EST RÉPUBLICAIN.

(…) Drôle de mystère? Intrigue minimale? C’est un brin perplexe et déboussolé que l’on aborde cette pièce mais le postulat est suffisamment séduisant pour qu’on y souscrive volontiers. Belle occasion en tout état de cause pour Alain Enjary (auteur, comédien) et Arlette Bonnard (interprétation, mise en scène) artistes du dérisoire, de proposer à nos raisons étriquées une bolée d’absurde, de mystère, de nous conter de menus moments empreints d’étrangeté et de nous entraîner sur les jolis et incertains chemins de l’Ailleurs. Un joli moment de théâtre suspendu entre ciel et terre. Myriem Hajoui, BOUM BOUM.

… Mystère autour duquel la pièce est brodée, quelque chose sans doute au bout d’un chemin aléatoire, un déplacement continuel et même obsessionnel mais sans limite, un chemin qui ne mène nulle part vers un ailleurs incertain peut-être, au delà d’ici, vers où? (…) Un spectacle singulier qui nous tient en haleine avec presque rien, sauf la virtuosité d’un conteur, la douce et ferme présence d’une actrice et d’un acteur, qui évoluent dans une scénographie d’une extrême sobriété et des lumières qui jouent à ponctuer cette fable théâtrale qui, au delà de l’usure quotidienne, rêve de liberté (…)
D’où vient l’idée d’écrire une chose aussi singulière?… Est-ce par exemple une métaphore de l’évasion? Ces deux personnages qui sont en partance, quels rêves cherchent-ils à décrire?… Que sont-ils ces personnages? Qu’est-ce qui les lie? Qu’est-ce qui les fait bouger ensemble? On ne peut pas, par exemple, véritablement leur donner d’âge.(…) Ici, on ne raconte pas les histoires que l’on voit sur les scènes de théâtre, mais alors pour ce qui concerne ce spectacle, on est encore plus en peine… Je ressens la pièce comme une fable sur l’ordinaire de la vie… Irrationnelle et pas forcément absurde parce qu’il y a quand même beaucoup de logique là-dedans… Court, allusif, dépouillé, simple mais poétique, toujours avec les mots de tous les jours mais qui construisent du sens, si je puis dire, un peu énigmatique aussi… On touche à tout sans vraiment donner l’impression de toucher à rien, à quoi que ce soit… On propose aux spectateurs de s’engager sur un chemin, — on ne leur montre pas le chemin, on ne leur montre pas forcément le but au bout de ce chemin, — juste s’engager dans l’aventure.
C’est un spectacle ludique, avec suspense et un brin de poésie. Patrick Germain, T.S.F.

Photo Jean-François Schiano