Bêtes – présentation

Affiche : Raphaële Enjary et Olivier Philipponneau


Bêtes
,  textes de  Allais, Andersen, Apulée, Bach, Baudelaire, Carroll, Cros, Daudet, Fabre, Grimm, Hugo, Jacob, Jay-Gould, Kafka, Kipling, La Fontaine, Leopardi, Melville, Michaux, Pelt, Prévert, Renard, Ronsard, Ségur, Sylvestre, Tchouang-Tseu, Trenet, conception Arlette Bonnard et Alain Enjary, avec Arlette Bonnard, Alain Enjary et Anna Pabst, lumière et régie Éric Fassa, collaboration artistique Danièle Gironès, dans Le jardin de Marie-France, 40, rue du Camp de Bataille, 30400 Villeneuve-lès-Avignon, du 7 au 28 juillet 2012.

En 2013, du 24 mars au 8 avril, Île de la Réunion. Représentations organisées par le Théâtre des Bambous, dans des « écarts » et des villages autour de St Benoît, et  auxquelles sont associées diverses interventions (échanges avec des compagnies réunionnaises et animations en milieu scolaire).


Les Bêtes (et leurs auteurs) par ordre d’entrée en scène :

escargots Hans Christian Andersen
diplodocus, etc Jean-Marie Pelt, Stephen Jay Gould
crapaud Jules Renard, Jacob et Wilhelm Grimm, Max Jacob
vermine Franz Kafka
baleine Herman Melville
chimère Charles Baudelaire
âne Charles Trenet
papillon Tchouang-Tseu
toves, borogoves, etc Lewis Carroll
jument Max Jacob
chèvre Alphonse Daudet
loup Jean de La Fontaine
lion Anne Sylvestre
cochon Alphonse Allais
chenille Henri Michaux
cigale Jean-Henri Fabre

(entracte)

chien Victor Hugo
moineau Jacob et Wilhelm Grimm
cheval Jacques Prévert
tourterelle Ronsard
coccinelle Victor Hugo
chatte Charles Cros
chat Rudyard Kipling
âne Apulée, Comtesse de Ségur
kangourou Charles Trenet
goéland Richard Bach
oiseaux Giacomo Leopardi

Et toutes les Bêtes qu’on regrette (et leurs auteurs), d’avoir dû laisser en coulisses :

Celles qui se sont fait un nom : Argos, le chien d’Ulysse, qui, au bout des vingt ans d’absence de son maître, et bien qu’il soit méconnaissable, le reconnaît et meurt sur un tas de fumier ; Husdent, celui de Tristan et Iseult, qui chasse en silence pour ne pas trahir les amants enfuis dans la forêt ; Rossinante, bien sûr, qui porte Don Quichotte, tout au long de sa Quête ; Smaug, le dragon cambriolé par Bilbo le Hobbit… Celles qui sont de tout près liées à un autre nom : le Lion qui adopte Yvain, le Chevalier au Lion, le Mammouth, qu’apprivoise Naoh (de la tribu des Oulharm), la Cane de Jeanne, le Chat de Margot, ou le Renard du Petit Prince, le (gros) Poisson qui avale Jonas, et plus tard Gepetto, la femelle Requin qui s’accouple avec Maldoror, le Lapin en retard d’Alice, l’Aigle accroché au foie de Prométhée, mais aussi l’Âne de Stevenson, le Corbeau d’Edgar Poe, le Scarabée de Fabre, et les Oiseaux de Saint François… Celles qui ont eu un nom, ou qui en auront un : la Grenouille qui devient Princesse, l’Autre qui était Prince, le Cerf qu’est devenu Actéon pour avoir vu la déesse nue, les Serpents enlacés en quoi s’est transformé le couple Harmonie et Cadmos, la Chatte métamorphosée en femme, l’ancien Singe au rapport devant l’Académie… Celles, anonymes, dans la foule, Fourmis, Abeilles, Termites, décrites par Maeterlinck, les Ânes en procession, Francis Jammes au milieu, qui vont au Paradis… Celles qui font leur apparition dans l’éclair du Haïku. Ou rassemblées dans les bestiaires d’Apollinaire, Desnos, Borges, Vialatte, ou qui dialoguent chez Colette… Et d’autres encore : l’Oison (duveté) élu meilleur torchecul par le petit Gargantua ; l’Huître géante à la perle aussi grosse qu’une noix de coco (bijou inestimable), et connue seulement du capitaine Nemo ; Celle dont on ne sait rien, même pas la  race, ni l’espèce, rien des Ennemis qui l’obsèdent, rien à part son enfermement dans le « Terrier » labyrinthique, qu’elle a bâti et perfectionne avec tellement de science, de passion, de conscience… Beaucoup d’autres, autant dire toutes, toutes celles que Noé, lui, a pu embarquer ! Toutes celles qui s’en fichent d’avoir un nom ou non, d’être cataloguées, comme l’Éléphant de mer (cher à Prévert) qui ne sait pas qu’il en est un : « L’éléphant de mer ou l’escargot de Bourgogne, ça n’a pas de sens pour lui, il se moque de ces choses-là, il ne tient pas à être quelqu’un. »


BÊTES
« Nous sommes de même étoffe, de même substance que la bête. Pas un être organisé, si humble soit-il, dont je ne me sente le frère, et non pas affectivement mais rationnellement. »
écrivait Jean Rostand, biologiste, et le chef indien Sealth disait : « Les fleurs parfumées sont nos sœurs ; le cerf, le cheval, le grand aigle sont nos frères ; les crêtes de montagnes, les sucs des prairies, le corps chaud du poney et l’homme lui-même, tous appartiennent à la même famille. » La pensée scientifique et la « pensée sauvage » en tout cas montrent ici une étrange parenté, une espèce de fraternité objective, dans les conclusions, du savant et du sauvage — ainsi qu’il se nomme lui-même.
Les voies sont divergentes. L’un dissèque les grenouilles pour en apprendre toujours plus, l’autre demande pardon au bison de le tuer pour vivre. L’un croit que « chaque parcelle de cette terre est sacrée », l’autre « croit fermement à l’évolution des êtres organisés ». Mais si on remonte à la source de ces deux attitudes, on y constate aussi quelque chose de commun : l’étonnement. S’il est clair chez l’indien, le chercheur ose avouer, sur la question de l’existence, « un état d’incompréhension effarée », et, après avoir affirmé son adhésion sans restrictions aux  découvertes darwiniennes sur les métamorphoses et l’évolution des espèces, ajoute : « Je n’ai garde, pour cela, de méconnaître le caractère extraordinaire, voire fantastique, des transformations que nous sommes tenus d’imaginer dans le passé de la vie, et dont il semble que ne s’étonnent suffisamment ni les profanes, qui ne se doutent pas des difficultés qu’elles soulèvent, ni peut-être certains spécialistes, trop familiarisés avec l’idée transformiste. »
On oublie comme il est étrange d’exister comme tout le reste — dans la catégorie des bêtes en l’occurrence — et tout en le sachant, par-dessus le marché. En renouvelant notre relation aux bêtes justement, qu’elles soient en dehors ou au-dedans de nous, sur tous les modes, la fantaisie, le drame, la fiction, l’humour, l’observation, la sensualité, beaucoup d’auteurs, et non des moindres, éveillent ce souvenir, raniment notre surprise, sinon notre émerveillement, avec trois comédiens, dans un jardin, au soir qui vient.

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