Photos Felipe Martinez
LE VOYAGE SANS RETOUR. L’intense et mystérieuse poésie de l’indicible et de l’ineffable : tels sont les seuls mots qui, tout d’abord, nous viennent aux lèvres, devant une vibration – celle du haïkaï japonais – si intime et si profonde qu’on ne sait en vérité par où la saisir, de peur d’en déchirer ensuite la trame et, par là même, l’état de grâce… Et comment restituer, sur la feuille blanche, l’émerveillement de source qui nous envahit, à l’heure où ces quatre comédiens esquissent, dessinent pour nous seuls en touches légères (mais combien incisives) ces éternels paysages de précision et de rêve, qui tout à la fois nous dépaysent et nous sont familiers, comme si nous les avions aimés avant, bien avant le jour de notre naissance, dans quelque mystérieuse patrie intérieure qu’aujourd’hui, à leur suite, nous redécouvrons et reconnaissons ?
Nous voici donc peut-être aux origines du monde : surprenant la transparence irisée d’une aile de libellule qui tient ferme, sur le bâton qui la pourchasse, ou la feuille de salade que l’escargot savoure… Quelle tristesse et quel bonheur nous accorde tour à tour cette double perception, éternellement associée, de la précarité et de l’infini de toute chose ! L’insolite sous le fugitif.
L’invisible beauté de ce qui nous entoure, et que nos yeux ne savent plus voir… Ainsi, les comédiens ici présents parviennent-ils à réveiller enfin le cœur d’un monde dont nous n’écoutons plus les battements ; comme une main se glisse au plus secret des cendres pour en surprendre la braise, pour en réinventer la brûlure.
Jeu ? Rituel ? Prière ? Où donc situer la silencieuse promenade du Haïkaï, baignée tout entière, dirait-on, par la lumière transfigurée de l’enfance ? (…)
Fascinant périple, que celui-ci. Au pays de l’Autre Lumière. Patrick de Rosbo, LE QUOTIDIEN DE PARIS.
Est-il envisageable de construire un spectacle à partir d’une sélection de brévissimes poèmes? Trois vers chacun, parfois deux, parlant de tout et de rien, essentiellement de faits anecdotiques, quotidiens, banals. Et toujours de la nature. (…) Ce sont des haïku classiques japonais. Signés des plus grands : Bashô, Buson, Issa, Shiki. Le haïkaï est l’enchaînement qui consiste à dialoguer à coup de versets. Quatre comédiens jouent donc les casse-cous…
Ils évoluent sur des pontons, n’en descendent qu’une ou deux fois, en se déchaussant, comme pour traverser une rivière. Japonais ? Très vaguement. À juste titre. Tout reste allusion, légèreté, silence, perfection. (…) Leurs vêtements sont ceux de tous les jours, familiers et longuement portés, variant selon la saison évoqués. Avec quelques objets en sus : parapluie, panier, fruit… Des silences, du rythme, une écoute parfaite. Jean-Jacques Samarie, LIBERATION.
(…) Émotions simples, mais frémissantes, que les acteurs viennent nous livrer tour à tour, ou encore tous ensemble. Le jeu reste sobre, évitant à la fois la platitude et l’émotion factice, même si sur scène tous n’ont pas la simplicité « habitée » d’Arlette Bonnard. La mise en scène respecte la discontinuité des haïkaï, en leur permettant de trouver chacun leur résonance propre. Tandis que les quelques objets manipulés (melon, parapluie, panier…) et les quelques histoires qui se nouent et se dénouent au fil des passages sur les pontons, donnent le liant léger qui convient à ce genre de spectacle. Et si cela reste en partie énigmatique, c’est que le spectateur doit faire par lui-même une partie du chemin. Sans une part d’intuition personnelle, de foi même, le haïku reste une formule, ésotérique ou banale. Michel Barlier, GAI PIED.
UNE POÉSIE DU BOUT DU MONDE. Une création originale et pour le moins singulière. Danielle Van Bercheycke et Arlette Bonnard, Yves Collet et Alain Enjary ont lancé un défi : représenter au théâtre des haïkaï, c’est-à-dire de courts poèmes japonais. Cette forme poétique révèle le mystère de la nature et de l’être. Quelques mots apparemment on ne peut plus simples, proches du petit, ouvrent des portes à l’infiniment grand.
Ce spectacle à la limite de la parole, composé de silence et d’énergie, est construit dans une rythmique intuitive. Le « haïkaï », à la différence de notre pensée occidentale, exprime l’harmonie et l’unicité du matériel et du spirituel. Chacun y puise ce qu’il désire tant la réalisation est riche de possibilités. (…) Jean-Luc Toula-Breysse. L’ÉTUDIANT.
« La sente étroite du bout du monde » est un spectacle qui n’est pas du tout habituel pour nos esprits occidentaux. (…) Dans un décor très sobre et très lumineux, le haïkaï rend une sorte d’hommage à la nature, et semble prouver que la moindre chose, la plus quotidienne, est finalement une forme possible de poésie. (…) Au delà du théâtre, c’est emprunter également une voie spirituelle, et je trouve que ce spectacle apporte un grand équilibre, même s’il est difficile – non, il n’est pas difficile, mais pour un occidental, cela peut paraître un peu aberrant d’aller voir un spectacle qui va parler d’une grenouille ou de telle herbe, etc., et finalement cela donne au spectateur une quiétude qu’on retrouve rarement. (…) Les comédiens eux-mêmes ont l’air équilibrés, heureux et d’avoir une force tranquille. C’est tout à fait réussi pour donner un vide total à l’esprit. Ce spectacle m’a apporté de la paix. (…) Isabelle Sommier. RADIO ALIGRE.
La deuxième salle du théâtre des Provinces était comble pour la première représentation, qui était aussi une création, du très beau spectacle de l’Atelier 8. Et curieusement cette salle n’avait jamais paru si vaste et si claire : dans une lumière très vive, les acteurs nous proposaient des « haïkaï », ces poèmes japonais qui se caractérisent par leur brièveté et l’apparente minceur de leur sujet : le melon, l’escargot, la pluie d’été, le moustique, la première neige d’hiver… La juxtaposition parfois malicieuse et toujours sereine de ces éclats de textes, la solitude fugitive ou le rassemblement tout aussi fugace des quatre acteurs suscitaient, en chacun, une image neuve du monde, au delà de l’éternel clivage orient-occident.
Si le haïkaï est bien la forme poétique japonaise la plus éblouissante, la pratique du montage, toute contemporaine, est, elle aussi, pourvoyeuse d’énergie et de sens.
Le décor est très soigné : de longues et étroites estrades parallèles au public, très massives, contrastent avec la verticalité des dizaines de mètres de coton blanc fixés au plafond : « La sente étroite du bout du monde » suppose de la vigueur et de la légèreté. Les acteurs ne manquent ni de l’une, ni de l’autre. Camille Mauzon. LA NOUVELLE REPUBLIQUE.
LES MARCHES TÉNÉBREUSES, d’Alain Enjary. Mise en scène Arlette Bonnard. Décor et costumes Marika Hodjis. Musique Christian Maire. Lumières Marc Sévenier. Production Théâtre de Sartrouville. Créé le 8 Mars 1983. T.G.P. Sartrouville, Nouveau Théâtre de Besançon. Tournée en France. Avec Arlette Bonnard, Jeanne David, Agnès Delume, Alain Enjary, Armand Enjary, Jean-Claude Giraudon, Didier Lesour, Isabelle Rattier.
Bon. Si donc les adultes doivent lire les contes de fées comme branche naturelle de la littérature — sans jouer à être des enfants, ni faire semblant de choisir pour ceux-ci, ou être des garçons qui ne veulent pas grandir — quelles sont les valeurs et les fonctions de ce genre ? C’est là, me semble-t-il, la dernière et plus importante question. J’ai déjà laissé entrevoir certaines de mes réponses. En premier lieu, écrits avec art, la valeur primordiale des contes de fées sera simplement celle qu’en tant que littérature ils partagent avec les autres formes littéraires. Mais les contes de fées offrent aussi, à un degré ou sur un mode particuliers, les choses suivantes : la Fantaisie, le Rétablissement, l’Évasion, la Consolation, toutes choses dont les enfants ont moins besoin, en règle générale, que les personnes plus âgées. La plupart sont aujourd’hui fort communément considérées comme nuisibles à quiconque.
J. R. R. Tolkien
FÄERIE
Croquis des costumes par Marika Hodjis
Ecriture. Le spectacle se situe dans la tradition des contes dits « merveilleux», ou aussi « populaires ». Nous travaillons tout particulièrement sur ceux que les frères Grimm nous ont transmis. Il ne s’agit pas d’une adaptation, ou d’un montage, mais d’une création, on pourrait dire aussi une continuation. A la différence de nos précédentes expériences, Ulysse, Tristan et Iseult, Pantagruel, le souci de simplicité, de respect, de fidélité s’exerce non plus vis-à-vis d’un auteur mais de l’esprit général des contes, dont le nombre et les variations sont infinis. Le passage par l’écriture doit être un peu à l’image de la musique et de la poésie, qui sont d’abord faites pour être entendues. L’héritage archétypique qui nous parvient aujourd’hui par des textes — eux-mêmes faits pour être dits ou chantés — a été élaboré en grande partie par la tradition orale, dont le théâtre est peut-être un des derniers modes.
Au début des contes souvent, on voit des jeunes gens quitter leur monde familier, leur masure, maison, ou palais. Ils arrivent très vite au bord d’une forêt : ils y pénètrent. Le soir n’est jamais loin non plus, et dans les bois la Nuit est doublement obscure. Ils s’y enfoncent… Au bord du monde familier, au pied de ce qui est connu, s’ouvre un chemin plein de mystère, le chemin de la Profondeur.
Alors pour peu que nous sachions quoi dire et comment agir, ou plutôt ne pas trop agir et écouter, une grenouille nous parlerait, (que dis-je, une grenouille : l’Ancêtre de toutes les grenouilles), peut-être nous nous trouverions de nuit dans la forêt profonde (celle des contes, par exemple, où chacun , comme un arbre est unique et semblable aux autres). Et qu ‘alors nous verrions la lueur qu’on ne peut pas voir, sauf si la Nuit est très profonde — noir plus noir que le noir — et si on a grimpé sur un arbre : la maison où vivent les nains, une elfe, ou un magicien, un ogre ou un ange gardien, qui sont, amis ou ennemis, d’une façon ou l’autre, au bord des « Marches Ténébreuses », les guides et les passeurs, dont on ne peut pas se passer dans ce voyage périlleux !
Ce pays où l’on a glissé est habité d’êtres étranges. Les hommes, autrement dit, n’y sont plus les seuls maîtres. Ils y découvrent d’autres puissances et, d’une autre façon que dans la Tragédie, y vivent la Nécessité. Il y a des combats, des alliances, qu’on ne peut pas mener sans beaucoup de prudence, patience, discrétion et humilité. Jusqu’en lui-même, l’homme doit rencontrer des puissances qu’il ignorait, qu’il lui faut reconnaître, affronter ou aimer, qui existent avec indépendance et qui, s’il les méprise, peuvent le posséder, l’envoûter, le déborder et l’anéantir. L’homme, le microcosme, objet aussi de ce voyage intérieur, se voit menacé par lui-même et avec lui le macrocosme, l’univers tout entier.
On a dit : les contes ne sont « que » pour les enfants, résidu d’un passé naïf, folklorique, racontés, et plus pour longtemps, par des vieillards plus très utiles, des « histoires de bonnes femmes », et des « contes à dormir debout ». C’est dire en quelle estime on tient non seulement les contes mais encore les enfants, le passé, le peuple, les vieillards, les femmes et le sommeil… Le sommeil où l’on se ressource le tiers de notre vie au moins, le sommeil « frère de la mort », profond, profond, où brille encore une lumière, puisque, même sans aucun rêve, nous y continuons d’exister. En paix. Si nous arrivions à mener un peu de cette paix négligée dans la vie qu’on nomme consciente et dans celle qu’on dit rêvée, et à retrouver l’unité de nos trois modes d’existence, peut-être qu’on pourrait en joyeuse santé « vivre ensemble et heureux jusqu’à la fin de nos jours »…
Alain Enjary
Photos Christian Bonnin
Espace scénique. J’aurais beaucoup de mal à ne pas inscrire un spectacle dans un lieu particulier. Même si son destin est d’être « transportable », il me semble capital que sa création soit lié à un espace précis. Quand je travaille sur les matériaux de base du spectacle, la position du spectateur, son regard, son rapport à la scène deviennent déterminants pour le choix scénographique ; j’ai besoin d’en trouver l’écho dans le lieu où le spectacle plantera ses racines. Et le théâtre lui-même peut très bien me suggérer, par ses qualités et par ses défauts, tel parti pris d’espace.
Si je m’inscris contre une architecture par un procédé qui indique violemment que je propose un monde à l’opposé, ou que je la maquille, ou si je la camouffle, ces options seront contenues dans l’acte même théâtral. Les choix scénographiques d’ « Ulysse » et de « Tristan et Iseult », ont été étroitement liés aux lieux de la Maison de la Culture de Nanterre ; pour le premier, l’immensité de la scène de la grande salle et l’ « immensité » de l’œuvre d’Homère m’ont suggéré de raconter cette histoire dans un lieu justement difficile par ses.dimensions : dans une salle à manger de géants (où les dieux de l’Olympe se retrouvaient eux dans des meubles d’enfants). Pour le second, l’espace vide de la salle transformable, m’a donné envie d’accrocher les spectateurs comme sur une falaise, devant une plage, ou une mer, ou une forêt trop vastes, les petits hommes que nous étions, traversés par des passions, confrontés à un destin à la taille de l’espace.
Le monde des contes est un monde « à côté », un monde à la frange du nôtre. Celui qui l’écoute se trouve, avec d’autres, installés coude à coude au coin du feu… l’hiver, la nuit… la face au chaud, froid dans le dos. Celui qui le raconte est un homme comme les autres, généralement on le connaît ; mais dès l’instant où il parle, il devient un peu autre, un pied ici, un pied ailleurs, une sorte d’intermédiaire, de passeur, d’ « interprète » au plus haut sens du terme. Par l’art de la parole, il fait glisser l’auditoire dans ce monde parallèle (glissement un peu semblable à celui qui nous entraîne dans le sommeil). L’auditeur du conte n’a pas les yeux fixés uniquement sur le conteur, son regard se promène sur le feu bien sûr, mais aussi sur les objets familiers, sur les dessins du mur et sur les autres auditeurs sans les voir souvent… Comme le regard, l’esprit flotte, des images s’imposent précises et floues à la fois, différentes bien sûr pour chacun : c’est là que le conte prend forme.
L’art vivant est bien celui qui réussit à laisser cet espace dans lequel le spectateur peut se mouvoir, créer ses propres associations ; le véritable phénomène artistique se passe là, dans ce vide pourrait-on dire. Sculpter le vide… Suggérer, évoquer par le verbe, l’image, le son, sans « boucher » le tableau, sans l’obstruer par la pensée, par les prises de position, par les « lectures ». Le conte me met en face de ce vide ; il a l’art de créer des failles ; le temps y est relatif, la matière transformable, les dimensions interchangeables, la pesanteur non absolue ; l’expérience de l’homme peut passer par tous les aspects de la nature, par les mondes minéral, végétal et animal ; tout cela pour le consoler de ses déchirures et de ses métamorphoses, le rendre complice de son destin d’être mortel, par les larmes et par les rires.
Premier choix scénographique (en s’appuyant sur la salle Gérard Philipe de Sartrouville) : les spectateurs sont installés comme sur un îlot, dans le premier tiers de la salle. Dans leur dos, un espace vide, immense, sombre, monde inquiétant, informel, dont les échos parviennent par le son, monde sur lequel la volonté et l’analyse se montrent peu efficaces. Tout autour d’eux une sorte de passerelle circulaire, espace des conteurs ou du chœur, des prises de paroles, des évocations, des contradictions, des mises à jour, sorte de « table ronde de ce temps-là ». Devant eux la scène, les actes, les reflets reçus, éprouvés, traversés par les personnages du conte : une « boîte-témoin ».
Arlette Bonnard
AU THÉÂTRE UN CONTE MAGIQUE. PASSERELLE POUR L’IRRÉEL. (…) Tous les matériaux du conte sont réunis dans cette création originale. Alain Enjary et Arlette Bonnard ont puisé dans le réservoir des contes de Grimm et de la tradition orale pour présenter ce long poème berceur souvent rimé, toujours rythmé, qui s’adresse aux dédales de notre mémoire endormie.
(…) L’histoire ne se raconte pas, le charme en serait rompu. Elle se suit, se dévide, au gré de souterrains humides, le long des galeries d’un château.
Avec humour, tendresse et une infinie délicatesse, Alain Enjary et Arlette Bonnard offrent des chemins à emprunter, des réminiscences secrètes, des énigmes à décoder et surtout une atmosphère irréelle et légère due en grande partie à une scénographie « éclatée » : le spectateur est comme sur un îlot. S’il est adulte, ces « Marches ténébreuses » ne le transforment pas en enfant vaguement attendri ; elles font mieux : en deux heures elles font redécouvrir au spectateur une partie de son être oubliée, celle qui vibre encore au merveilleux. Claire Madinier, LA CROIX.
(…) Il s’agit d’un conte. D’un conte écrit par Alain Enjary, qui a déjà d’ailleurs écrit d’autres textes, qui a écrit fort bien un joli conte qui est une sorte d’hommage au conte en général, et éventuellement à Shakespeare dans la mesure où nous avons affaire ici à une histoire de quête au départ, puis, de cette quête, on a différents couples qui se défont, se refont et se perdent dans les labyrinthes souterrains d’une caverne multiple, à la recherche d’une pierre. Je ne veux pas déflorer l’histoire, il faut la voir. Cela est fort bien écrit. (…) Arlette Bonnard a signé la mise en scène. Elle a su très bien utiliser l’espace de ce théâtre. Elle a repris au fond l’idée artaulienne de nous encadrer. Tout se passe tout autour de nous. La scène est le point focal sans aucun doute, mais tout aussi importants sont les côtés, les passerelles latérales et finalement le fond, si bien qu’on est totalement prisonnier du conte, et prisonnier de cette caverne et des lieux dans lesquels se déroule cette recherche, cette quête, ces personnages qui se rencontrent, se séparent, etc… Cela est bien joué. D’ailleurs cela est joué sobrement en même temps. C’est un très beau spectacle. (…) Gérard-Henri Durand, FRANCE CULTURE.
Alain Enjary pour l’écriture et Arlette Bonnard pour la mise en scène travaillent sur des contes et légendes. Après avoir lu Jung, Eliade et les avoir totalement oubliés, ils imaginent « Les marches ténébreuses » : un roi, sa fille, quelques personnages amis, la quête d’une pierre légendaire et perdue à travers les forêts profondes, souterrains, labyrinthes. Arlette Bonnard se trouve à l’aise dans ces dédales et a réalisé une mise en scène kaléidoscopique. Un beau spectacle. (…)
La séduction principale des « Marches ténébreuses », c’est l’effet de reconnaissance devant quelque chose qui ressemble à une batterie d’ »imageries ». On les connaît, on les a vues, dans les livres qui nous ont formés. (…) Anne Laurent, LIBÉRATION.
Un monde fatigué. Un vieux roi. Une princesse. Des énigmes à résoudre. Et huit personnages pour franchir le seuil des marches ténébreuses en quête d’une pierre mythique. Presque des « Aventuriers de l’arche perdue ». Les huit vont se croiser et se perdre dans de longs souterrains tortueux comme les circonvolutions d’un cerveau, en se griffant aux parois des murs et aux mots des autres. Huit pour un conte d’aujourd’hui plein d’humour et de mystère. RÉVOLUTION.
HUIT HEURES A LA FONTAINE, d’Alain Enjary. Mise en scène Arlette Bonnard. Décor et costumes Marika Hodjis. Musique Christian Maire. Lumières Marc Sévenier. Production Théâtre de Sartrouville, Théâtre du Val de Gally Villepreux, Espace Planoise Besançon. Créé le 22 Novembre 1982. T.G.P. Sartrouville, T.V.G. Villepreux, E.P. Besançon. Tournée en France. Avec Isabelle Lafon, Kim Vinter.
(Le spectacle a été recréé sous une forme entièrement différente en 2004 et repris en 2005, 2006, 2009. Il fait l’objet d’un autre article au titre de 8 heures à la fontaine.)
Il est assez rare au théâtre de travailler en même temps en direction du public adulte et du public des enfants, et surtout dans une même perspective et presque sur le même projet. C’est pourtant, au Théâtre de Sartrouville, ce que fait Arlette Bonnard qui monte à la fois pour les petits « Huit heures à la fontaine » et, pour les autres, « Les marches ténébreuses ». Pour elle comme pour Alain Enjary, auteur des textes, le théâtre dérive naturellement du conte, il est la dernière manifestation d’une culture orale, première, chaleureuse, magique et Grimm est un grand maître.
« Huit heures à la fontaine » est un conte à deux personnages dans le creux de vastes voiles couleur d’eau et de mousse légère, entre un voyageur égaré et une ondine, une histoire d’eau et de corps prisonniers, de pierre blanche et de pierre noire, et ces deux se découvrent, s’affrontent, se séparent, s’échangent. C’est un poème un peu métaphysique qui occupe la scène, égrène des mots rares entre la musique et l’eau. C’est peut-être Persée délivrant Andromède, mais non, toutes mythologies sont ici oubliées, n’en demeure que la mélodie et, chose étrange, les enfants sont, littéralement, sous le charme. Bernard Raffalli. LE MONDE.
« 8 heures à la Fontaine » sera l’occasion d’une collaboration originale entre les trois établissements d’Action Culturelle co-producteurs du spectacle : le Théâtre de Sartrouville (producteur délégué), le théâtre du Val de Gally à Villepreux et l’Espace Planoise de Besançon. Dans chacun de ces trois lieux « 8 heures à la Fontaine » sera précédé et suivi d’animations dans les classes, préparées en collaboration étroite avec l’équipe artistique du spectacle. En octobre et novembre, Jean Massard, animateur du Théâtre du Val de Gally, a déposé dans les classes de Villepreux et de Sartrouville, les premiers éléments d’un « jeu de cartes à raconter » dessiné par Marika Hodjis. Puis d’autres cartes arriveront par courrier dans chacune des trois villes. Autant de cartes semblables pour autant d’histoires différentes, jusqu’à ce que, en février et en mars, après les représentations, Kim Vinter et Isabelle Lafon rencontrent à leur tour les enfants de Sartrouville, de Villepreux et de Besançon.
Jeu de cartes imaginé et dessiné par Marika Hodjis
Lors de sa nouvelle création en 2004, le texte de 8 heures à la fontaine — gravures sur bois d’Olivier Philipponneau, conception graphique de Raphaële Enjary — a été édité par AMBRE Il est disponible au prix-éditeur de 12 euros .