Pantagruel-présentation

Croquis Christiane Moures

PANTAGRUEL, d’après Rabelais. Texte et dramaturgie Alain Enjary. Mise en scène Mehmet Ulusoy en collaboration avec Arlette Bonnard. Scénographie Michel Launay. Musique Christian Maire. Lumières Patrice Trottier. Production Centre dramatique de La Courneuve et Théâtre de Liberté. Créé le 10 Octobre 1981. Maison des Arts de Créteil, Centre Culturel de La Courneuve, Théâtre National de Marseille. Tournée en France et en Belgique. Avec Marc Allgeyer, Dominique Brodin, Alain Enjary, Damiène Giraud, Maria Gomez, Guy Jacquet, Jean-François Maenner, Jean-Luc Mathevet, Jean-Pierre Pouret, Jean-Pierre Rouvellat, Emiliano Suarez.

Aux lecteurs bénévoles

GENS de bien, Dieu vous saulve et guard ! Où estez vous ? Je ne vous peuz voir. Attendez que je chausse mes lunettes !
Ha, ha ! Bien et beau s’en va Quaresme ! Je vous voy. Et doncques ? Vous avez eu bonne vinée, à ce que l’on m’a dict. Je n’en serois en piece marry. Vous avez remede trouvé infinable contre toutes altérations ? C’est vertueusement opéré. Vous, vos femmes, enfans, parens et familles, estez en santé désirée ? Cela va bien, cela est bon, cela me plaist. Dieu, le bon Dieu en soit eternellement loué, et (si telle est sa sacre volunté ) y soiez longuement maintenuz.
Quant est de moi, par sa saincte benignité, j’en suys là, et me recommande. Je suys, moiennant un peu de Pantagruelisme (vous entendez que c’est certaine gayeté d’esprit conficte en mespris des choses fortuites), sain et degourt ; prest à boire, si voulez. Me demandez vous pourquoy, gens de bien ? Response irrefragable : tel est le vouloir du tresbon, tresgrand Dieu, onquel je aquiesce, au quel je obtempere, duquel je revere la sacrosaincte parolle de bonnes nouvelles, c’est l’Evangile, on quel est dict, Luc, 4, en horrible sarcasme et sanglante derision, au medicin negligent de sa propre santé : « Medicin, o, gueriz toymesme. »

Si, par quelque desastre, s’est santé de vos seigneuries emancipée, quelque part, dessus, dessoubz, davant, darrriere, à dextre, à senestre, dedans, dehors, loing ou près vos territoires qu’elle soit, la puissiez vous incontinent avecques l’ayde du benoist Servateur rencontrer ! En bonne heure de vous rencontrée, sus l’instant soit par vous asserée, soit par vous vendiquée, soit par vous saisie et mancipée. Les loigs vous le permettent, le Roy l’entend, je vous le conseille. Ne plus ne moins que les legislateurs antiques authorisoient le seigneur vendiquer son serf fugitif, la part qu’il seroit trouvé. Ly bon Dieu et ly bons homs ! n’est il escript et practiqué, par les anciennes coustumes de ce tant noble, tant antique, tant beau, tant florissant, tant riche royaulme de France, que le mort saisist le vif ?
Santé est nostre vie comme tres bien declare Ariphron Sicyonien. Sans santé n’est la vie vie, n’est la vie vivable. Sans santé n’est la vie que langueur ; la vie n’est que simulachre de mort. Ainsi doncques vous, estans de santé privez, c’est à dire mors, saisissez vous du vif, saisissez vous de vie, c’est santé.
J’ay cestuy espoir en Dieu qu’il oyra nos prieres, veue la ferme foy en laquelle nous les faisons ; et accomplira cestuy nostre soubhayt, attendu qu’il est mediocre. Mediocrité a esté par les saiges anciens dicte aurée, c’est à dire précieuse, de tous louée, en tous endroictz agréable. Discourez par les sacres Bibles, vous trouverez que de ceulx les prieres n’ont jamais esté esconduites qui ont mediocrité requis. Prologue de l’autheur M. François Rabelais pour le quatrième livre des faicts et dicts héroïques de Pantagruel.


On se sent immobile, mais la terre tourne à toute vitesse. Le temps paraît un absolu, cependant il est relatif. Copernic, Einstein, les savants ne sont pas les seuls à détruire les représentations du monde qu’on fabrique sur les apparences : les poètes, prophètes, éveillés de partout et toujours font le même nettoyage par le vide. Nos sens, notre bon sens, notre sens unique nous trompent. Diogène, agitant, trimballant en vain son tonneau dans le Prologue du Tiers Livre, dénonce la vanité, l’absurdité, autour de lui, de tant d’agitation, guerrière en l’occurrence. On sait déjà qu’il cherche un homme, avec une lampe, et en plein jour. Sans doute ne trouve-t-il que des endormis, c’est-à-dire des morts.
Le diogénique Rabelais balaie par le rire nos idées fixes et fabriquées, dogmes, illusions, aliénations, et fascinations dangereuses, comme Copernic, en souriant, signale que le monde est sans cesse en mouvement. C’est peut-être pourquoi il nous échappe, le monde, il reste insaisissable, au fond, et que prétendre en être maître, avoir sur lui des certitudes ne ferait que le repousser toujours plus loin de nous, et, sinon aggraver cette séparation, en tout cas ne serait que vanité des vanités. « Tout n’est que vanité », semble dire après Salomon, Maître François Rabelais.
Mais s’il nous fait descendre « jusqu’au fond du puits inépuisable auquel disait Héraclite être la vérité cachée », ce n’est pas pour nous laisser dans le noir, le chaos et le désespoir. Bien au contraire — comme le cynisme de Diogène, stigmatisant tous les principes, les prétentions et les pouvoirs, est le contraire d’un principe, de l’arrogance et l’égocentrisme — ce jeu de massacre est salutaire. Rabelais, médecin, soigne les corps et il écrit pour soigner les esprits. Dans ses boîtes colorées, bizarres, grotesques, hilarantes, se trouve une précieuse drogue, une médecine miracle — santé universelle et jeunesse éternelle. Et nous voilà comme des enfants dans un monde relatif, tantôt géant et tantôt nain… Un monde de nouveau tout neuf, amusant, étonnant : présent, futur, passé compris, dont on redécouvre les sources — un monde, ou bien un rêve, une grande illusion, un opéra fabuleux ? Car, au bout du compte, c’est grandiose, et c’est nous qui sommes petits — le microcosme aussi précieux, ici, que l’autre, le macrocosme. À moins que le destin de l’homme soit d’être entre les deux, entre haut et bas, grand et petit, d’être au milieu, moyen, de faire le lien ? Terminant son Grand Œuvre (foisonnant, pourtant, et qui nous entraîne d’un excès, d’un extrême à l’autre, à la suite des géants ), Alcofribas Nasier, abstracteur de quinte essence, semblerait avoir trouvé l’or (l’or alchimique, ou dit encore : des philosophes) dans cet entre-deux, ce juste milieu, cette médiocrité aurée… À nous de faire et vivre avec ce paradoxe : dans un monde géant, offert à profusion, assouvir, dans tous les domaines, un appétit hénaurme de géant… avec modération, sagesse, « juste mesure en or » !  Avec conscience, pourrait-on dire, en se souvenant par ailleurs, que science sans conscience n’est que ruine de l’âme

Alain Enjary

Pantagruel – photos

Photos Claude Bricage

Pantagruel – extraits de presse

(…) Ce Pantagruel est mené tambour battant par la troupe qui nous fait passer trois heures en un éclair. (…) Les principaux épisodes des trois premiers livres sont clairement restitués dans leur registre, du burlesque au comique gaillard, de la réflexion philosophique à la farce de mœurs. Un régal. Gérard Spiteri. LES NOUVELLES LITTÉRAIRES.

Porter à la scène l’œuvre « hénaurme » de Rabelais semblait une entreprise suicidaire et quasiment irréalisable. C’est pourtant ce qu’ont réussi à faire Mehmet Ulusoy, Arlette Bonnard, le Centre Dramatique de La Courneuve et le Théâtre de Liberté.
Un beau spectacle, vivant, coloré, dynamique, enlevé, sans temps morts. (…) Derrière l’immense cocasserie, on retrouve la pensée profonde d’un génie universel dont les thèmes, vieux de plusieurs siècles, parlent encore à notre temps. (…) Les moments forts d’intelligence ou d’émotion sont nombreux. Et l’on mesure que le résultat est des plus satisfaisant. Le spectacle est là, total, titanesque, mais il n’est pas gratuit. Il nous remémore la condition de l’homme et nous indique les moyens de s’arracher à la sottise et à la malignité.
Il faut voir et entendre ce « Pantagruel » qui nous rappelle ce que nous sommes et nous instruit de ce que nous pouvons être. Robert Bouvier, LE SOIR.

(…) De Pantagruel à Gargantua (véritable chronologie) avec des épisodes empruntés aux Tiers et Quart Livres, le spectacle s’appuyant sur un choix de textes judicieux, alternant passages comiques et passages plus graves ou réflexifs a su restituer la plénitude et l’enchantement (autant physique que moral), que procurent les textes de Rabelais. (…) La saveur théâtrale du style parlé de Rabelais, les énumérations vertigineuses, les jongleries avec les langues, le mélange de toutes les traditions orales et verbales non seulement de l’époque de Rabelais mais de la nôtre (puisqu’il a bien fallu actualiser et apprivoiser le texte), tout entraîne le spectateur dans ce torrent verbal qui submerge le réel. Pour ce moine en rupture d’Église que fut Rabelais, il ne s’agit plus de voir l’esprit se faire chair, mais que l’alchimie du langage permette à la chair d’entrer en résonance avec l’esprit.
Au niveau du jeu des comédiens, il convient de dégager d’un ensemble déjà remarquable la performance de Guy Jacquet (Panurge) qui passe du ton farcesque à une attitude plus sereine avec une même crédibilité. Alain Enjary dans le rôle de Frère Jean sait faire vivre ce moine batailleur, et aussi disciple de la « Dive bouteille ».
Emporté par le rêve et le rire, le spectateur après environ trois heures de spectacle est encore tout ragaillardi. (…)
C’est sans doute grâce à ce travail théâtral gigantesque que Rabelais était aussi présent sur la scène l’autre soir. Jean-Claude Marre, L’INDÉPENDANT.

(…)  Onze comédiens réussissent ici à dilater notre rate dans un texte et une langue qu’Alain Enjary a eu l’heureuse ambition d’adapter en vue de ce spectacle.
(…) Le spectacle restitue et transmet efficacement un texte qui est lui-même une manière d’appréhender la vie, qui saisit à la fois le spirituel et le sensoriel et ne laisse échapper aucune des possibilités qu’elle offre. (…) François Béchu, OUEST-FRANCE.

(…) Hors des normes. C’est du très beau spectacle, et même un peu plus. Les souvenirs scolaires remontent à la surface, et l’on s’étonne de l’actualité du texte. Grâce à un laborieux travail, les fables du maître de la Devinière sont ici livrées intactes. (…) On voyage en riant et en rêvant dans un monde où tout pète la santé. Pendant presque trois heures, « Pantagruel » nous replonge dans un univers dément, parfois à l’opposé de ce que l’on croyait bien connaître de l’œuvre. (…) Philippe Meunier, LA MARSEILLAISE.

(…) Les textes de Rabelais – écrits en vieux français – ne sont pas d’un abord facile et leur lecture en a peut-être découragé beaucoup. (…) Adopter le bon ton n’avait rien d’évident. Toute difficulté de langage disparaît et le monde de Pantagruel, Gargantua et Grangousier nous semble naturel, familier même. Le spectateur peut en profiter pleinement, se laisser gagner peu à peu par le rire démesuré de son œuvre et ressortir de la salle comme il le ferait d’un bain d’optimisme. LA MONTAGNE.

Tristan et Iseult – présentation

TRISTAN ET ISEULT, d’après la tradition et les poèmes du XII ème siècle. Texte Alain Enjary. Mise en scène Arlette Bonnard. Scénographie Jean-michel Quesne. Epées et masques Henri Presset. Musique Christian Maire. Lumières Marc Chartier. Production Centre Dramatique de Nanterre. Créé le 7 Février 1978. Maison de la Culture de Nanterre. Reprise 1979, Théâtre de la Cité Internationale, Paris. Tournée en France, Belgique, Suisse, Afrique. Avec Arlette Bonnard, Françoise Danell, Agnès Delume, Alain Enjary, Colin Harris, Marc Bonseignour, Michel Hermon, Christian Maire.


Le lieu principal de « Tristan et Iseult », c’est la Cornouaille. Ce n’est pas un pays sauvage. C’est une petite péninsule. Les landes et les forêts désertes n’y sont pas très vastes, le climat pas très rude. Il y a de petites collines toutes vertes, de petites routes encaissées, des champs, des jardins proprets, des haies, des villages avec des maisons colorées, sorties des livres d’images, des églises miniatures, des maisons de poupées serrées les unes contre les autres. Les hommes habitent bien ce paysage plus qu’humain et jusqu’à son extrémité. L’extrémité !…
L’extrémité toujours tout près. Jamais guère plus de vingt kilomètres.
L’extrémité abrupte, déchiquetée, les falaises vertigineuses, bouleversées, écroulées, la déchirure brutale de la terre ; et quand il y a une petite plage, dans une crique, comme un refuge ou un petit port de bande dessinée, la question n’en est pas moins là, comme partout autour, présente, battante, mouvante, profonde : taché au loin par plaques de soleil, l’océan… L’infini, le vide, la question, là où cesse la terre ferme, la Question…

« Tristan et Iseult » n’est pas une histoire pleine de bruit et de fureur. Elle nous est parvenue (en fragments) dans le langage joli, tout frais, tout neuf, du XIIe siècle, sur le rythme allègre, coloré de l’octosyllabe, un, deux, trois, quatre, un, deux, trois, quatre, illustrée de miniatures délicates, petits bateaux sur des petits flots, petits châteaux, petits dragons, dames et chevaliers dans des postures raffinées de l’amour ou  de la guerre. Mais faites trois pas dans la légende, vous voilà aux extrémités, les mêmes, abruptes, vertigineuses. Le vide, l’absolu, l’océan profond, le destin, la question, l’amour fou, l’amour, la mort, la Question…
Tout de suite, nous nous trouvons au bord de nos propres actes. Les terres cultivées s’arrêtent brutalement, la déchirure. Il y a nos villages pour nous tenir chaud, il y a nos réponses, toutes nos idées confortables, pour vivre mieux, il y a nos explorations, pour mieux connaître, pour nous rassurer. Mais toutes nos découvertes sont bordées de falaises…

Avec « Tristan et Iseult », nous affrontons le Mythe, ensemble, acteurs et spectateurs, serrés, petits, fraternels, pour se tenir chaud face au grand large, face au grand vent. Ensemble, coude à coude, nous réinventons ces émissaires, ces explorateurs, ces délégués, Tristan, Iseult. Ils ne sont pas des héros inégalables, écrasants. Ils sont une part de nous-mêmes, nous les suscitons, nous les ressuscitons. Nous les accompagnons jusqu’à la plage chaque fois qu’ils s’embarquent, jusqu’à l’orée de la forêt quand ils se font sauvages, jusqu’au bord du précipice chaque fois qu’ils sautent dans le vide, jusqu’aux seuils qu’il nous faut tous franchir tout seul. »

Alain Enjary


Tristan et Iseult – photos

photos Marie-France Arcelin

Tristan et Iseult – extraits de presse

Tristan et Iseult, au Théâtre des Amandiers de Nanterre : un beau travail de recherche et d’adaptation d’après la tradition et les poèmes du XIIe siècle. Un spectacle d’une étonnante jeunesse, où jaillit la vie.
(…) Vérification faite, aux meilleures sources, l’adaptateur, Alain Enjary (qui est aussi Tristan sur la scène du Théâtre des Amandiers), a été fidèle : et ce sont bien ces amants de chair et de sang que nous ont légués les traditions orales et écrites du Moyen Age. Et quel plaisir de les découvrir, dépoussiérées, bien vivantes et ardentes, débordantes d’émotions, de pleurs, de rires et de colères.
(…) L’ensemble du spectacle est cohérent, agréable, vivant. (…) Avec des moments forts, qui donnent bien du charme à ces retrouvailles avec l’un des plus vieux et des plus beaux mythes de notre patrimoine culturel. Bernard Langlois, LE MATIN DE PARIS

S’il était encore permis de dire populaire un grand spectacle de deux heures et demie qui ne fait pas mal au cul parce qu’il vous occupe et les yeux et la tête et le cœur, un spectacle qui raconte sans complexes la belle histoire d’un amour fou où chacun trouvera à glaner quelque graine de sagesse ou de déraison, un spectacle accrocheur sans être racoleur, plaisant mais non complaisant, je dirais populaire ce « Tristan et Iseult » écrit par Alain Enjary et mis en scène par Arlette Bonnard. (…)
Tous les tiroirs de la légende sont ici ouverts, les broderies successives déballées et cousues bord à bord sur la trame d’un récit picaresque qui pourrait ne jamais prendre fin (…)
Ces gens-là doivent être bougrement rusés pour ainsi jouer de leur naïveté et de la nôtre. On nous roule dans la farine, et nous voici contraints d’accepter malgré l’inacceptable, je veux dire la fraîcheur, la bonne humeur et la bonne santé, la vie chair et terre, le plaisir et la douleur d’un immense désir de bonheur. Jacques Poulet, L’HUMANITÉ.

Une aire de sable blond, blond pâle comme les cheveux d’Iseult. Une aire de jeu, large ouverte sur l’aventure, la vraie : celle de l’amour et de la mort. Une grande aire vide à peupler de nos rêves.
Et nous comprenons soudain ce qu’est un « mythe » : pas une histoire d’autrefois arrivée à des gens d’autrefois : mais notre histoire à chacun d’entre nous, vécue, depuis le fond des âges, au plus profond de nous-mêmes.
Alain Enjary, qui joue Tristan, a écrit un texte tout simple qui restitue dans une langue accessible à nos oreilles modernes le langage « joli, tout frais, tout neuf, du XIIe siècle ». Mais ce texte tout simple est étrangement riche. Comme la mise en scène d’Arlette Bonnard, dont l’extrême simplicité relève du grand art.
(…) Un spectacle qui ravira aussi bien les cœurs naïfs que les intellectuels torturés. Six comédiens se partagent tous les rôles. Ils jouent l’une des plus belles histoires du monde et, pour une fois, l’imperceptible distance qu’ils prennent avec elle ne nous en éloigne pas : elle nous permet, au contraire, d’entrer nous aussi dans le jeu. (…) Claude-Marie Trémois,TELERAMA.

(…) Ce serait grande injustice si le texte d’Alain Enjary ne devenait pas le texte par excellence de ce vieux conte d’amour et de mort. Le compliment n’est pas mince. Nous en avons conscience. Certes, Enjary a puisé dans la tradition, notamment dans les quelque quatre mille quatre cents vers de Béroul, mais ce n’est jamais œuvre servile. Alain Enjary nous offre une écriture à la fois riche, dense, primesautière, truculente, familière, poétique, toujours harmonieuse. Par moments, on pense à Shakespeare. Mais oui! Au Shakespeare de « Roméo et Juliette », bien sûr, mais aussi à celui du « Songe d’une nuit d’été ». Du très beau travail !
La mise en scène alerte et originale d’Arlette Bonnard, la musique de Christian Maire, les décors et les costumes de Jean-Michel Quesne : encore du très beau travail ! L’interprétation est à la hauteur du texte. Ce qui est peu dire. (…) Pierre Pascaud, LE PARISIEN LIBERE.

Pour la bonne bouche, le Tristan et Iseult monté par Arlette Bonnard… À peine l’invite nous est-elle adressée que le charme agit. Les six acteurs se multiplient dans plusieurs personnages. Leur chant et leurs gestes sont purs et stylisés comme les sculptures des chapiteaux romans. Un pianiste fabrique une superbe musique descriptive, en triturant ses cordes de toutes les façons. L’adaptation d’Alain Enjary, lequel incarne aussi Tristan, est simple, dense et bien timbrée.
(…) Que d’ingéniosité, de modestie et d’intensité dans ce beau travail de mise en scène, et d’interprétation, qui non seulement nous confirme le talent d’Arlette Bonnard, mais nous révèle aussi celui de deux acteurs accomplis, d’une expressivité subtile et sans fioritures : Colin Harris et Agnès Delume. Daniel Jeannet, LE JOURNAL DE GENÈVE.

(…) C’est d’abord à ces enluminures que fait penser le spectacle réalisé par le Centre Dramatique de Nanterre. Non pas seulement par la forme, mais par l’esprit : netteté du trait où l’essentiel est immédiatement choisi, clarté des couleurs, élan des mouvements où l’on devine le sens immédiat des gestes. (…)
Le choix des textes n’oublie pas l’humour, dans de cocasses ruptures de ton. (…) Aurait-on préféré un respect paralysant qui se voudrait poétique? Les dialogues m’ont fait parfois penser au « réalisme poétique » des films de Carné et Prévert, justement.
Une légère mise en forme, le ton Arlette Bonnard, peut-être. Tous les acteurs sont très bien, très naïfs et très subtils, tout près de nous. (…) Christiane Perros, TRIBUNE DE GENÈVE.

A partir des nombreuses versions de la légende de Tristan et Iseult, Arlette Bonnard et Alain Enjary, aux côtés de cinq comédiens du Centre Dramatique de Nanterre, ont imaginé trois heures de spectacle sans entracte, retrouvant dans une unité de ton et d’esprit, la voie et les voix des récits des conteurs d’autrefois. (…) Des moyens d’une extrême simplicité : un immense plateau nu, délimité par des bandes bleues de tissu figurant notamment l’épaisseur de la forêt, quelques accessoires, au nombre desquels un « piano électrique » qui vient ponctuer ou rythmer l’action, voilà qui suffit à créer une suite d’images d’Épinal, naïves comme les cartes d’un jeu au demeurant très rusé.
(…) Le spectateur est convié, mieux qu’à suivre l’aventure, à l’accompagner, donc à la vivre. Catherine Unger. LA SUISSE.

(…) L’adaptation scénique est des plus adroite. Une ambiance de laquelle on ne parvient pas à s’arracher, et dans cette ambiance évoluent des personnages qui ne sont pas ceux d’une légende, aussi belle fut-elle, mais qui prennent une dimension humaine exceptionnelle. (…) M.E.T.  LE PROGRÈS.


Ulysse – présentation

ULYSSE, d’après Homère. Mise en scène et scénographie Arlette Bonnard. Décor et accessoires Henri Presset. Participation au texte Alain Enjary. Lumières Marc Chartier. Production Centre Dramatique de Nanterre et Théâtre de Liberté. Créé le 4 Novembre 1976. Maison de la Culture de Nanterre. Reprise, 1977, Théâtre de la Cité Internationale, Paris. Tournée en France, Belgique, Suisse. Avec Arlette Bonnard, Alain Enjary, Colin Harris, Zbigniew Horoks, Kim Lefèvre, Louis Samier, Danielle Van Bercheycke.

Dès l’ouverture de l’Odyssée, le roi des dieux, Zeus lui-même, semble exposer le sujet du poème : « Ah, vraiment, de quels griefs les mortels ne chargent-ils pas les dieux ! A les entendre, c’est de nous, que viennent leurs malheurs, mais c’est par leur folie qu’ils sont frappés au-delà même de leur destin. » Le destin, c’est une chose ! La folie des hommes, leur démesure en est une autre !
Nous jouons dans un mobilier de géants, petits hommes dans un monde trop grand, pris dans les grandes tempêtes de la mer et du cœur. Les dieux sont installés à une table de nains. Ils ne sont guère plus avancés ! La juste mesure manque. Pourtant, dit Ménélas : « Le  mieux est toujours dans la juste mesure. » Le Ménélas d’Homère, pas celui d’Offenbach ! On ne parle pas du même « milieu ». Ce n’est pas le fauteuil confortable de Chrysale. Entre les extrêmes, il est difficile de tenir le cap étroit, le fil fragile de sa vie, de la vie, d’accomplir son destin avec dignité. Il faut être un équilibriste pour résister sur ce juste milieu. Il faut être Ulysse aux mille ruses.

Cent cinquante mille hommes se sont étripés devant Troie. Ils y ont gagné la gloire et se sont engouffrés en foule au royaume des morts. A une extrémité du camp grec, on trouvait les bateaux d’Ajax, qui se suicidera par orgueil, à l’autre, ceux d’Achille, qui a délibérément choisi une vie courte et glorieuse à une autre longue et obscure, au centre exact, d’où Stentor peut se faire entendre d’un bout à l’autre, les douze bateaux conduits d’Ithaque par le fils de Laërte. C’est un des multiples « milieux » d’Ulysse. On le retrouvera « au nombril de la mer », chez Calypso, condamné à l’errance pour avoir crevé l’œil unique, central, d’un fils de Poséïdon (le Cyclope « qui n’a pas de bateau pour aller chez les autres peuples »), rapatrié par d’autres descendants de Poséïdon (les Phéaciens, « excellents marins dont les bateaux intelligents n’ont pas besoin de pilotes ni de gouvernails et sont plus rapides que l’aile et la pensée »). Il n’est pas tenu non plus, passant près des sirènes, à une des solutions extrêmes : jouir de leur chant et mourir, ou vivre en s’y rendant sourd. Il les écoute et vit quand même : il s’est fait ligoter au mât, planté au centre du navire.
Et Ithaque elle-même, « visible de partout », son île, son désir, son espoir pendant dix ans de guerre et dix ans d’errance, n’est-ce pas le centre, le milieu ? Et n’y a-t-il pas encore un centre du milieu ? Car une fois à Ithaque, encore faut-il gagner le lit, que défend Pénélope, ce lit enraciné « autour » duquel la chambre nuptiale a dû être bâtie, ce lit qui seul  amène à la reconnaissance.

Il ne voulait pas partir à la guerre (il simule la folie), pourtant c’est grâce à lui qu’elle a été gagnée (il invente le Cheval). Calypso, qui l’aime, lui offre d’être un dieu immortel, Circé, dont sa fidélité n’empêche pas qu’aussi il partage la couche, veut le transformer en cochon. Le voilà toujours entre Charybde et Scylla ! A moins que la contradiction — au contraire ! — lui assure protection, repos et chaleur, comme lorsque épuisé, nu, après un naufrage, « il se glissa sous une double cépée issue d’un même tronc, un olivier sauvage et un olivier cultivé », ou, au cours d’un autre naufrage, il attache ensemble un débris du mat et un de la quille, liant dessus, dessous, bas et haut, et s’y agrippe pour survivre. Zeus encore, au début de l’Odyssée l’a désigné comme le « milieu » : « Comment pourrais-je oublier le divin Ulysse qui l’emporte sur tous les hommes par l’intelligence et qui l’emporte aussi par le nombre des sacrifices offerts aux dieux immortels, habitants du ciel immense ? » Le plus intelligent, donc le plus libre, et en même temps le plus respectueux des lois immuables : il « gouverne » comme ces oiseaux de mer qui, en fait, ne font qu’utiliser merveilleusement les courants d’air !

À moins qu’il ne soit simplement, non celui « qui excelle parmi tous les hommes », mais « l’homme par excellence », l’homme à sa place d’homme, fine, tendue, contradictoire, au centre, justement, « entre-deux », reliant ciel et terre, comme le fil de l’arc, le symbole de cette jonction, son arc, avec lequel il tire à travers le vide central des haches, puis élimine les prétendants illégitimes, et qu’il est le seul à pouvoir bander.

Recherche de l’équilibre et quête essentielle du centre… Menées aussi par Pénélope, sa femme, la moitié de lui-même dont il est séparé, son contraire identique, son double en femme, sa jumelle, non moins rusée et résistante, patiente et sage, « divine », enfin, que le « divin Ulysse » en personne ! Ils mentent, ils louvoient tous les deux. Elle défait la nuit son ouvrage de la veille, il se fait appeler Personne. S’ils ne sont pas dupes des autres, ils ne le sont pas plus d’eux-mêmes. Ils ne se font pas d’illusions, mais ne sont pas cyniques non plus. Ils veulent la paix. Elle passe par la violence envers les prétendants dont les désirs et l’arrogance confinent alors à la folie, puis par un ultime combat, que les dieux interrompent, qu’Ulysse mène aux côtés de son père Laërte et son fils Télémaque, entre deux âges, on pourrait dire, passé et avenir, une fois encore « au milieu ».

Notre lecture d’Homère, aussi fidèle que possible, est au bout du compte optimiste parce que, même s’il doit repartir, Ulysse est revenu et il reviendra à Ithaque, à Pénélope, et aura « une mort très douce ». Ce qui n’est pas tout à fait banal puisque Achille lui-même lui déclare aux Enfers : « Ne me console donc pas de la mort, illustre Ulysse, j’aimerais mieux, serf attaché à la glèbe, être aux gages d’autrui, d’un homme sans patrimoine, n’ayant guère de moyens, que de régner sur les morts qui ne sont rien ».

Alain Enjary

Ulysse – photos

Photgraphies Marie-France Arcelin et Jean Mohr


Ulysse – extraits de presse

(…) C’est léger, surprenant, candide, souriant, rien n’est laid, pesant ou médiocre, et le récit va, comme poussé par le vent, sans complaisance ni bassesse. Simple histoire, sans l’ampleur certes du vieil Homère, mais où l’on sent comme une respiration maritime, la mer au soleil, sous l’œil des dieux, un certain bonheur d’être et de dire, sans plus. Et c’est l’essentiel.
En ce temps où les metteurs en scène surchargent, encombrent la scène, déversant sur les planches, à pleine caisse, leurs jouets, ce travail attentif, et comme fait de riens, séduit par son innocence active, son imagination sans orgueil, par je ne sais quoi d’ingénieux, de vif, d’éphémère, de grave parfois, comme le jeu même. Nous écoutons, nous sourions, suspendus à des lèvres. Le théâtre a besoin de ces plaisirs d’enfance. L’homme y revient à lui-même par les chemins du merveilleux. C’est presque se souvenir. Pierre Marcabru, LE FIGARO.

Un pari impossible merveilleusement tenu. Rendre compte sur scène des tribulations d’Ulysse sans trahir Homère, rendre crédible chaque paysage, chaque rencontre – les îles, la mer, les tempêtes, les naufrages, les grottes, le Cyclope, les dieux de l’Olympe et le reste – donner vie et humour à l’épopée (…) c’est ce que vient de réussir de façon exemplaire le Théâtre de Liberté sous l’impulsion d’Arlette Bonnard. D’un bout à l’autre du spectacle, l’imagination, la joie de raconter, l’ivresse de jouer sont au rendez-vous. Les objets se transforment, les personnages se démultiplient, les sentiments et les éléments se déchaînent. On suit la saga d’Ulysse et de ses compagnons comme un suspense de poésie. Un vrai et rare bonheur de théâtre. Caroline Alexander, L’EXPRESS..

(…) Ce très beau spectacle créé à Nanterre par Arlette Bonnard avec des comédiens comme Alain Enjary et Colin Harris s’adresse à tous les publics. (…)
Pris entre l’oubli et la mort, la tentation de la divinité chez Calypso, de l’animalité chez Circé, Ulysse n’est qu’un Grec moyen qui, contre le fracas des dieux, s’obstine à retourner à une vie ordinaire, simple et sacrée. Mais Ulysse (et ses compagnons) c’est aussi l’acteur, parole et corps, temps et espace retrouvés, capable dans une scène comme celle des récits chez Alcinoos de défier en invention les dieux mêmes. C’est un jeu très heureux et très libre, qui nous raconte au delà du pittoresque, et c’est surtout de l’intérieur une magnifique célébration du théâtre. Bernard Raffalli, LE MONDE.

(…) Tout nous semble évident. Et sept comédiens, agiles comme des acrobates, incarnent à eux seuls les dieux et les hommes. Invention superbe dans sa simplicité : les dieux immenses trônent, à l’aise, à une table lilliputienne, tandis que les petits hommes s’empêtrent avec des accessoires gigantesques.
Un beau spectacle, inventif et simple, au service d’un des plus grands textes du monde. Claude-Marie Trémois. TELERAMA.

(…) Une version scénique d’une simplicité attrayante et juste. (…) Peu de choses en vérité mais cela est suffisant à l’évocation : le mouvement très soutenu, les inventions constantes font le reste. Matthieu Galey. LE QUOTIDIEN DE PARIS.

(…) Tout un mouvement imaginaire qui nous retient. Une poésie qui ne se hausse pas, et nous voilà tous attentifs, emportés par le grand voyage, dans la grande houle de la rêverie. Arlette Bonnard, qui a choisi et mis en scène, a du talent et de l’esprit, point de prétention, et l’art de faire vivre des mirages. C’est sympathique, c’est réussi et c’est léger. Les cœurs battent plus vite. Pierre Marcabru. LE POINT.

(…) Imaginez une Odyssée que personne ne connaîtrait parce que toujours lue au travers du philtre des éminents intellectuels fatigants. Voici une interprétation nouvelle, fraîche, enthousiaste. (…) On traverse un monde semi-magique que la troupe incarne avec une imagination débordante. (…) Un texte vieux de quelque 2800 ans, dépoussiéré et vivifié. Sa nouvelle fraîcheur le rend non seulement digestible mais attrayant. Chantal Bernasconi, VOIX OUVRIÈRE.

(…) Homère n’est pas trahi. Au contraire, on redécouvre que l’Odyssée devait être racontée plutôt que lue, que ce conteur qui avait la veine épique, c’est le moins qu’on puisse dire, savait aussi l’humour. La mise en scène, pleine d’inventions, retrouve les rapports des hommes et des dieux, mais également la vraie dimension de la Grèce antique où les puissants rois étaient des chefs de villages. Ajoutons que les acteurs sont excellents et Alain Enjary un Ulysse idéal. L’Odyssée figée par des siècles de doctes analyses, le Théâtre de Liberté nous la restitue telle qu’elle est : un épisode de l’histoire et du rêve humains. LE PROVENÇAL.

(…) L’âge d’or est dans notre regard. Les anciens le savaient qui firent une littérature de sagesse admirative et de ravissement de l’âme devant la béatitude du ciel. Un effort d’imagination, dans ce monde où toute beauté est grabataire, nous est nécessaire pour regagner cet état d’esprit. En adaptant ce conte d’Homère comme une permission à toutes les merveilles de l’enchantement, la troupe du Centre Dramatique de Nanterre a rendu au théâtre, maintenant trop souvent futile au hâbleur, toute l’ampleur de la poésie.  Claude Marneffe, NORD-LITTORAL.

(…) Du charme à la fois puissant et naïf du récit naissent une infinité d’images, parmi lesquelles la voile blanche, « serrée au plus près », selon l’expression des marins : gonflée par Eole, elle se mue en nappe, en drap ou en linceul, dans ce monde où dormir, boire, manger, aimer sont les actes quotidiens d’une navigation exemplaire. À voir absolument. Catherine Unger, LA SUISSE

(…) À cette fraternité partagée, nous convient – et c’est le terme juste, puisque tout aussi bien la table du festin y est presque constamment dressée – les comédiens-joueurs du Théâtre de Liberté, avec cette belle histoire bien racontée. (…)
La plénitude de jeu de chacun des acteurs (« compagnons, nous nous sommes assez rassasiés de larmes, maintenant il faut agir ») n’a d’égal que le rapport juste et égalitaire sans cesse entretenu avec les spectateurs, les joueurs de tous âges. Gérard Lefèvre. TRAVAIL THÉÂTRAL.

(…) Cette incroyable « saga », il fallait une bonne dose de courage pour se risquer à l’adapter en un spectacle de deux heures un quart et surtout parvenir à en restituer l’esprit. Ils sont sept à s’y employer avec bonheur et bonne humeur. Menant leur affaire à un train d’enfer, ils réinstallent parmi les zizanies divines les gigantesques et homériques pérégrinations d’Ulysse sur des mers peu calmées. Avec une idée de mise en scène confinant au génie. Pour restituer ces déchirements entre ciel et terre et cet éternel va-et-vient entre l’humain et le divin, disproportion de taille, c’est le cas de le dire, Arlette Bonnard a conçu un décor fantasmagorique. (…)
Illustrant avec humour et irrespect les plus sanglantes péripéties d’une histoire pleine de bruit et de fureur, soulignant les fulgurances poétiques du texte devenues fleurs de langage et prétextes à sourire, « Ulysse » devient, sous les yeux amusés du public, un spectacle inventé et inventif du jeune théâtre. (…)  Henry-Jean Servat. MIDI LIBRE.

(…) C’est un spectacle drôle, vigoureux, joyeux et à chaque instant l’imagination est au pouvoir. Imaginez vous-mêmes que sept comédiens, dont le metteur en scène, jouent en toute innocence devrais-je dire cette Odyssée, ce livre écrit il y a trente siècles et qui évoque des centaines de personnages. (…) Mais le spectateur suit et ne se perd jamais dans ces constantes métamorphoses… Georges Gros. COURRIER DE GENÈVE.

Il faut un énorme culot pour avoir le projet de jouer « L’Odyssée » d’Homère avec sept comédiens. Arlette Bonnard réussit ce qui semblait pourtant impossible et parvient à raconter les aventures d’Ulysse simplement pour que des adultes et même des enfants puissent y prendre plaisir. (…) Nulle image de cinéma ne pourrait atteindre la beauté poétique de ces scènes… François Tranchant, TRIBUNE DE GENEVE.